La Femme Haïtienne contractante privilégiée du mariage

Ce qui fait son bonheur se doit de l’être pour l’autre, une évidence  de la société haïtienne. Toute femme  exigiblement se  respecte en portant une alliance à cœur ou à contre cœur pour jouir des éloges, des prouesses de sa famille et de sa communauté. Inversement, une telle conception ne démontrerait-il pas un  fardeau à l’égard de la gente féminine ?

Des femmes non mariées, une punition sociétale…

Toute considération sur le mariage implique une mise en contexte socio- culturelle puisque, en essence, le mariage est une institution sociale appelée à régir la formation, le développement et la sécurisation de la famille, ce noyau sociétal découlant de l’accord entre un homme et une femme potentiellement progénitures. C’est cet accord formel illimité, ce contrat pour mieux dire, qu’il soit de contours religieux ou juridiques, le garant de la sécurisation évoquée.  Le contrat devant, par principe, sécuriser également, dans le cas qui nous concerne, les deux contractants, pourquoi et comment la femme haïtienne serait- elle discriminée positivement en tant que bénéficiaire de ce mariage ?

 À cette question, nous allons tenter de répondre en scrutant notre réalité historique et culturelle. Bien que le mariage garantisse équitablement des droits précis et correspondants aux deux époux, plusieurs traits culturels pénalisant la réalité existentielle de la femme haïtienne, voient leurs impacts réduits voire annihilés par le fait de se marier, ce qui constitue un bénéfice supplémentaire, sans correspondance masculine. Nous ne les évoquerons pas tous, les limitations imposées au présent travail ne nous le permettant pas. Nous n’explorerons pas non plus certains détails, nous limitant à la mise en exergue de quelques-uns de ces traits : la stigmatisation des mères célibataires aussi appelées filles-mères est un lourd fardeau trainé par les femmes haïtiennes de cette catégorie. La modernité, encore moins, la tant chantée émancipation de la femme ou sa libération, n’ont en rien allégé la charge sociale de cette stigmatisation; l’indexation des femmes célibataires âgées, appelées chez nous vieilles- filles, est vécue comme un châtiment public subi aussi par leurs famille et parenté. Les femmes de cette cohorte ont beaucoup de mal à sublimer leur frustration.

Cet héritage du ‘’Droit Latin’’ qui veut que : ‘’le père est celui que le mariage indique’’ (pater is est quem nuptiæ demostrant) conditionne l’existence d’une pléiade d’enfants sans ‘’paternité’’, réalité douloureusement vécue par les mères, les enfants de cette catégorie et toute la parenté. Ceci conditionne la fréquence de ‘’paternité irresponsable’’ encouragée par l’interdiction jusqu’à date de la recherche de la paternité ;la discrimination qui oppose les ‘’enfants naturels’’ aux ‘’enfants légitimes’’, l’injustice sociale flagrante et surtout, l’indigence d’esprit qui blessent et frustrent aussi bien les mères non mariées que leurs enfants; la respectabilité comparative de la femme mariée, même divorcée, jactancieuse, parfois méprisante envers les ‘’moins chanceuses’’, est une offense fréquemment affrontée. La permanence de la discrimination salariale des femmes par rapport aux hommes maintient celles-ci dans une précarité économique qui fait du mariage le moyen par excellence de reclassement économique, de reclassement socio- politique en bref.

Toutes les calamités susmentionnées ainsi que bien d’autres non évoquées s’estompent voire s’évanouissent avec le mariage. Ceci explique la consolation et même la rédemption qu’il apporte. En illustration, nous pouvons avancer la réhabilitation sociale qu’amène l’acte de légitimation d’un enfant naturel par le mariage (tardif) de ses co- géniteurs, ce qui est l’équivalent de la ‘’nouvelle naissance’’ procurée par le baptême des chrétiens protestants, tant pour l’enfant que pour la mère. Le port ‘’ostentatoire’’ de l’anneau nuptial, signe visible de l’engagement marital, exigé dans la culture gréco-latine, traduit aussi, peut-être d’avantage, le ‘’reclassement’’ socio-politique.

Le privilège ‘’protocolaire’’ du baise-main, apanage exclusif de la femme mariée, est aussi une des nombreuses expressions de la promotion que constitue le mariage pour la femme haïtienne.

 Il ressort de tout ce qui précède qu’en toute probité, le mariage se révèle ‘’profitable’’ à la femme haïtienne, d’une manière générale. Il ne demeure pas moins vrai qu’elles sont assez nombreuses à ne pas y souscrire, trop suffisantes qu’elles sont ou veulent paraître. Des mécanismes psychologiques de compensation et de rationalisation s’installent et, dans ce même ordre de chose, elles prêchent le contraire allant jusqu’à afficher des attitudes dédaigneuses face au mariage. D’autres, plus naturelles, mais toujours ‘’libérées’’ ou ‘’émancipées’’, décrochent sciemment le ‘’diplôme’’ de femme mariée pour s’affranchir, dans un délai record, des contraintes du mariage soit en se ‘’séparant’’, soit en ‘’divorçant’’ tout en gardant la ‘’bague de distinction’’.

De nos jours, apparaît une version du féminisme militant, de compensation ou de remplacement, en vogue bien que décrié par résistance culturelle, qui tente, peut-être sans jamais pouvoir y parvenir, de renverser l’ordre des choses.

À cet effet, notre société assujettit- elle les femmes  à tout prix  vers une conquête    d’anneau nuptial ?

Fatima Francesse LOUIS-CHARLES
Rédactrice en chef /JFI
Rédigé, le 18 février 2025

Publié, le 21 février 2025

3 réflexions sur “La Femme Haïtienne contractante privilégiée du mariage”

    1. Le thème “La Femme Haïtienne, contractante privilégiée du mariage” soulève une réflexion sur le rôle central que joue la femme dans l’institution du mariage en Haïti. Historiquement et culturellement, la femme haïtienne est souvent perçue comme le pilier du foyer, celle qui organise, structure et maintient l’équilibre familial.

      Cependant, qualifier la femme de “contractante privilégiée” pose question. Si elle est en première ligne des responsabilités conjugales et domestiques, bénéficie-t-elle réellement d’un privilège ou s’agit-il plutôt d’un poids sociétal qui lui est imposé ? Dans un contexte où les normes patriarcales influencent encore largement la dynamique des couples, la femme haïtienne doit souvent assumer une charge mentale et émotionnelle plus lourde que son partenaire masculin.

      Ce commentaire invite donc à une analyse plus poussée : ce privilège est-il réel ou symbolique ? Implique-t-il une véritable autonomie dans le choix du mariage et dans la gestion du foyer, ou bien est-il l’expression d’une responsabilité asymétrique ? L’évolution des mentalités et des lois sur le mariage en Haïti pourrait également être un axe intéressant à explorer.

      1. Mike Dan PLAISIMOND

        Merci pour votre commentaire pertinent et réflexif sur le rôle de la femme haïtienne dans le mariage. Vos questions sur la nature de ce “privilège” et les responsabilités asymétriques sont cruciales. Nous organisons un débat pour approfondir ces enjeux et explorer les dimensions historiques, culturelles et sociales du sujet. Restez à l’écoute pour les détails ! Merci encore pour votre contribution.

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